Divorce – La commise judiciaire du notaire dans le partage post-divorce

20 février 2015

Étude rédigée par Yves Delecraz
Document : La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 8-9, 20 Février 2015, 1084

La commise judiciaire du notaire dans le partage post-divorce

DIVORCE

 

Le juge, en prononçant le divorce, peut-il désigner un notaire liquidateur ? La réponse positive apportée par la Cour de cassation dans un arrêt du 7 novembre 2012 est contraire à la position de l’Administration détaillée dans une circulaire du 16 juin 2010. Cette incertitude est regrettable dans un domaine où la pratique notariale a besoin d’un cadre procédural clair.

 

  1. La situation est fréquente en pratique : le divorce a été prononcé mais le partage des biens reste à faire.Note 1Les époux ne se sont pas entendus pour divorcer par consentement mutuel et régler la liquidation du régime matrimonial dans le cadre d’une convention soumise à l’homologation du juge (C. civ., art. 230).Ils ne se sont pas entendus non plus pour conclure en cours d’instance une convention liquidative (C. civ., art. 265-2 et 268).

 

 

  1. Deux questions principales se posent alors :– première question : en prononçant le divorce, le JAF peut-il désigner un notaire liquidateur ? Autrement dit, lorsque le jugement de divorce intervient, la phase de partage judiciaire a-t-elle déjà débuté et le notaire peut-il être valablement commis dès ce stade ? Il s’agit là plus précisément de la question de l’articulation entre le divorce et le partage et toute la problématique des modalités de la désignation du notaire par le juge.– deuxième question : lorsque le notaire intervient dans le processus de partage, soit il est commis judiciairement, soit il est choisi par les parties ; quel est, dans chacune de ces deux hypothèses, son rôle précis ?
  2. Articulation divorce/partage et modalités d’entrée en action du notaire

 

 

  1. La question de la désignation d’un notaire liquidateur dans le partage post-divorce demeure une question délicate. Elle est technique parce qu’elle est d’ordre procédural mais elle intéresse directement la pratique notariale, le notaire demeurant un rouage essentiel dans le processus de liquidation des intérêts patrimoniaux du couple, quel que soit le moment où il intervient.Quelle est aujourd’hui la place du notaire dans le processus judiciaire et comment peut-il y assurer son rôle de la manière la plus efficace possible ?Cette question est loin d’être évidente, elle est même, pour reprendre l’expression du professeur Nicod, « particulièrement obscure »Note 2.

 

 

  1. Aujourd’hui, depuis la réforme du partage de 2006, l’instance en divorce et l’instance en partage sont distinctes et se succèdent grâce à deux assignations indépendantes ; on peut cependant se demander, suite à la jurisprudence de la Cour de cassation de novembre 2012, si le juge du divorce ne conserve pas la possibilité de trancher le contentieux liquidatif sans nouvelle instance, en désignant un notaire liquidateur dans le jugement de divorce.De plus, et quel que soit le moment où le notaire est désigné par le juge, les modalités de sa commise appellent des interrogations.
  2. – Le principe : deux instances séparées

 

 

  1. Pour comprendre les incertitudes actuelles, il convient de rappeler rapidement l’évolution des textes en la matière qui a modifié à plusieurs reprises le droit positif, sans parfaitement clarifier la situation.

 

 

  1. – La réforme du divorce du 26 mai 2004 – Soucieux d’accélérer le règlement de la liquidation du patrimoine des époux et d’éviter un nouveau contentieux, le législateur de 2004 a imaginé un régime spécifique et contraignant destiné à encadrer les opérations de liquidation.

 

 

  1. L’article 267-1 du Code civil prévoyait ainsi qu’à défaut d’accord dans un délai maximum de dix-huit mois (douze mois initiaux éventuellement prorogés de six mois supplémentaires) après le divorce, le notaire remettait au tribunal un procès-verbal de difficultés, lequel statuait sur les contestations subsistant entre les parties.

 

 

  1. Ainsi, même si le texte ne prévoyait pas expressément la désignation d’un notaire, le juge du divorce avait pris l’habitude de désigner le président de la chambre des notaires, avec faculté de délégation, pour procéder aux opérations de liquidation et de partage, désignation qui s’accompagnait de celle d’un juge commis pour surveiller les opérations.

 

 

  1. Une question de procédure s’est alors posée : le procès-verbal de difficultés dressé par le notaire était-il suffisant pour saisir le tribunal ou une nouvelle assignation était-elle nécessaire ? Bref, y avait-il une seule instance qui regroupait divorce et partage avec une seule assignation au départ ou y avait-il deux instances successives nécessitant une nouvelle assignation en partage judiciaire ?Tous les tribunaux n’ont pas eu la même interprétation ; cette incertitude a créé une source supplémentaire et regrettable de contentieux.

 

 

  1. – La réforme du 23 juin 2006, qui a modifié les règles du partage judiciaire et créé deux phases bien distinctes (la phase amiable et la phase judiciaire), aurait dû régler cette question en statuant sur la question spécifique du partage entre ex-époux ; tel n’a pas été le cas et l’article 267-1 du Code civil n’a pas été modifié.

 

 

  1. – C’est la réforme du 12 mai 2009 (dite de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures) qui a finalement supprimé toute référence au notaire dans la procédure de liquidation post-divorce en modifiant l’article 267-1 du Code civil, lequel se limite désormais au renvoi pur et simple aux règles du partage applicables en matière de succession.

 

 

  1. La référence à l’intervention du notaire ayant disparu à l’article 267-1, il semblait désormais clair que le JAF ne pouvait plus désigner un notaire dans le jugement de divorce et que l’instance en divorce et l’instance en partage étaient distinctes.

 

 

  1. La position de l’Administration a confirmé cette analyse. Une circulaire parfaitement explicite du 16 juin 2010 précise que : « les textes n’autorisent pas le juge du divorce à statuer sur la liquidation du régime matrimonial des époux en dehors des hypothèses spécialement visées à l’article 267 du Code civil, pas plus qu’ils ne lui permettent de désigner un notaire aux fins de procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux ou de commettre un juge. » Elle précise également que « l’article 1364 du Code de procédure civile permettant la désignation d’un notaire et d’un juge commis appartient à la section relative au partage judiciaire, ce dernier débutant par une assignation en partage ».

 

 

  1. Cette position reprise d’ailleurs par la pratique et les professionnels du divorce (notamment dans les chartes conclues entre magistrats, avocats et notairesNote 3) ne semblait pas discutable au moins pour trois raisons :
  • l’article 267 du Code civil limite expressément les pouvoirs liquidatifs du juge du divorceNote 4. Les pouvoirs du juge sont circonscrits et il ne peut donc aller au-delà dans le règlement des intérêts pécuniaires des époux.
  • l’article 267-1 du Code civil ayant été modifié et la référence au notaire ayant été supprimée, plus aucun texte n’autorise le juge du divorce à désigner un notaire ; autrement dit en prononçant le divorce, le juge vide sa saisine et sa mission s’achève. La désignation d’un notaire n’est alors plus possible que dans le cadre de l’instance en partage introduite par une nouvelle assignation.
  • la désignation par le juge du divorce d’un notaire n’est aujourd’hui plus possible car elle supprime la phase amiable du partage ; or dans le droit commun du partage, aujourd’hui applicable au partage dans le divorce, l’article 1360 du Code de procédure civile fait de la phase amiable un préalable nécessaire.

La situation semblait clarifiée : deux instances distinctes, plus de notaire commis par le juge du divorce, suppression du procès-verbal de difficultés et fin des hésitations quant à sa portée.

 

 

  1. Or la Cour de cassation dans un arrêt du 7 novembre 2012Note 5 (confirmant une position déjà adoptée dans une décision du 12 avril 2012) adopte, au visa des articles 267 du Code civil et 1361 alinéa 2 du Code de procédure civile, une position inverse en considérant que le juge qui prononce le divorce et ordonne la liquidation du régime matrimonial peut, le cas échéant, désigner un notaire.Position surprenante, en tout cas en apparence, nous y reviendrons, mais qui fait réapparaître le notaire dès le jugement de divorce lorsque le juge décide de le désigner dès ce stade de la procédure.RemarqueAujourd’hui donc, le notaire liquidateur est commis dans le jugement qui ouvre le partage, c’est le principe, sauf si le juge du divorce décide de le désigner dans le jugement de divorce.Quelles sont, dans tous les cas, les modalités pratiques de cette commise ?
  2. – Les modalités pratiques de la commise

 

 

  1. La commise judiciaire se définit habituellement comme un mandat. Lorsqu’une décision judiciaire confère à un tiers le pouvoir d’agir, ce tiers est un mandataire de justice. Le notaire commis par le juge pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux du couple est investi d’un mandat judiciaire qui lui confère, comme on le verra plus loin, des pouvoirs et des devoirs particuliers. Plusieurs questions pratiques se posentNote 6.

 

 

  1. – Quel notaire peut être commis .C’est d’abord le notaire choisi par les parties . L’article 1364 du Code de procédure civile précise en effet que le notaire commis est choisi par les copartageants. Ce n’est qu’à défaut d’accord, que le juge impose un notaire qu’il désigne discrétionnairement sans avoir à motiver sa décision.La désignation du notaire est strictement personnelle ; il s’agit là d’un principe général en droit de la procédure : un mandat judiciaire est personnel et ne peut pas être subdélégué. Il était jugé que l’associé du notaire commis n’a aucune qualité pour procéder au partage et que l’état liquidatif qu’il a dressé doit être frappé de nullitéNote 7. Le successeur du notaire ayant fait valoir ses droits à la retraite n’est pas non plus investi des pouvoirs lui permettant de poursuivre la mission de son prédécesseur. Le notaire commis ne peut pas plus faire recevoir les parties et dresser les actes par un clerc habilité.La désignation est individuelle, c’est le principe sauf si les parties sont d’accord pour que soient commis deux notaires. Des considérations d’ordre technique (l’importance du patrimoine, la complexité de sa composition ou le lieu de situation des biens) peuvent justifier en effet que deux notaires soient commisNote 8 mais pas seulement, cela peut être simplement la volonté des parties de voir désigner leur notaire respectif. Si la demande est concordante, le juge doit désigner les deux notaires proposés par les parties.

 

 

  1. Qu’en est-il de la désignation du président de chambre ? La pratique à la suite de la réforme du divorce de 2004 avait généralisé la désignation du président de la chambre départementale avec faculté de délégation ; le président commis par le juge déléguait cette commise à l’un de ses confrères, soit à un notaire soit à deux notaires choisis par les parties ou à défaut à un notaire discrétionnairement désigné. Cette pratique perdure aujourd’hui. On peut se demander si elle n’est pas contraire au caractère personnel de la désignation judiciaire.La jurisprudence est rare sur cette question mais une ancienne décision de la cour d’appel de Lyon du 17 mai 1895 considère que le tribunal ne peut pas déléguer au président de chambre le pouvoir de choisir le notaire liquidateurNote 9.Une partie de la doctrine considère aujourd’hui que cette pratique est contraire à la loi car aucun texte ne fait mention de cette faculté accordée à la chambre ou à son président de déléguer des pouvoirs judiciairesNote 10. La commise ne pourrait donc être que directe et personnelle.D’autres auteurs considèrent, sans doute à juste titre, que la désignation du président de chambre reste possible car non contraire au caractère obligatoirement direct et personnel de la commiseNote 11. En réalité le tribunal ne commet pas le président de chambre, elle lui délègue seulement le choix du notaire commis ; autrement dit, le notaire choisi par le président de chambre est directement et personnellement commis et investi du mandat judiciaire par le tribunal.Un doute subsiste donc sur les pouvoirs du notaire délégué par le président de chambre avec un risque d’un recours en annulation contre ses opérations. Le Cridon de Lyon conseille au notaire délégué par le président de chambre de saisir le juge pour que celui-ci avalise la désignation. Cette situation est regrettable dans un domaine où tout le monde s’accorde à reconnaître la vertu de la rapidité dans les opérations de liquidation.

 

 

  1. Une autre question est celle du remplacement du notaire commis . L’article 1371 du Code procédure civile envisage expressément la possibilité pour le juge de procéder au remplacement du notaire commis ; ce remplacement relève du pouvoir discrétionnaire du juge.Quelles sont les hypothèses en pratique ?• Il s’agit d’abord de l’hypothèse de l’empêchement du notaire commis ; il doit être réel et sérieux : maladie, décès, destitution, départ à la retraite.• Il s’agit ensuite de l’hypothèse où la défaillance du notaire provoque l’impossibilité de procéder au partage ; dans cette hypothèse, les parties doivent saisir le juge et doivent démontrer l’existence d’un grief sérieux ; la Cour de cassation a ainsi approuvé une cour d’appel d’ « avoir énoncé que constituait une difficulté provoquant l’impossibilité de procéder au partage la résistance de l’un des notaires désignés qui ne s’était pas déplacé, se faisant remplacer par un associé qui n’avait aucune qualité pour procéder au partage, en l’absence de désignation judiciaire »Note 12.Le notaire est également remplacé en cas de récusation ; il est en effet en sa qualité de mandataire judiciaire susceptible d’être récusé dans les mêmes conditions qu’un magistrat ; la récusation doit donc être motivée par l’une des causes énumérées à l’article L. 111-6 du Code de l’organisation judiciaire, essentiellement si le notaire commis a un intérêt personnel ou s’il est directement concerné par le dossier ce qui pourrait remettre en cause sa neutralité.
  2. Distinction notaire commis/notaire choisi et modalités de l’action du notaire
  3. – Le notaire choisi par les parties après le prononcé du divorce avant toute instance en partage

 

 

  1. Si le juge ne désigne pas de notaire dans le jugement de divorce, il appartient aux ex-époux eux-mêmes de prendre l’initiative de la liquidation de leur régime matrimonial et de saisir le notaire de leur choix (en tout cas en présence de biens immobiliers) pour procéder au partage.Il s’agit ici d’une phase purement amiable qui s’intercale donc entre l’instance en divorce achevée par le prononcé du divorce et une éventuelle deuxième phase contentieuse introduite par une nouvelle assignation en partage.Le notaire choisi est ici dans son rôle habituel mais en cas d’échec du partage amiable, ses clients doivent pouvoir assigner en partage.

1° Le notaire dans son rôle habituel

 

 

  1. Le choix du notaire ou des notaires est ici à la libre appréciation des parties qui peuvent bien entendu faire appel à leur conseil habituel. Dans l’hypothèse où chacun fait choix de son propre notaire, les règles de déontologie déterminent l’attribution de la minute et la répartition des émoluments.

 

 

  1. Le notaire ne dispose, dans cette phase, d’aucun pouvoir particulier car il n’est pas titulaire d’un mandat judiciaire mais seulement du mandat de ses clients.Son rôle demeure néanmoins essentiel. Il exerce ici sa mission traditionnelle d’amiable compositeur dans la recherche d’un accord entre les parties et si les ex-époux s’entendent il dresse l’acte de partage qui met fin aux opérations de liquidationNote 13.

 

 

  1. En cas d’échec, une nouvelle phase contentieuse débute, l’instance en partage, et les textes imposent que soient précisées, dans l’assignation, les diligences entreprises en amont en vue de parvenir à un partage amiable.Remarque : le notaire doit donc conserver les preuves des diligences effectuées et constituer un dossier dans la perspective de cette assignation.

2° Une obligation particulière : la préparation du dossier permettant l’assignation en partage

 

 

  1. Le notaire ne doit pas laisser la situation se prolonger en cas de désaccord persistant entre les parties même si cette phase amiable n’est pas encadrée dans le temps par les textes.Lorsqu’une seule des deux parties saisit un notaire, ce dernier doit rapidement convoquer l’autre par lettre simple puis par courrier recommandé ; la convocation par acte extrajudiciaire n’est pas obligatoire ici.Si l’autre partie ne se présente pas, il n’a pas l’obligation de dresser un procès-verbal de carence dans la mesure où il n’est pas investi d’un mandat judiciaire ; un simple courrier explicatif et le plus complet possible sera suffisant pour que l’autre partie puisse assigner en partage judiciaire.Si les deux ex-époux répondent présents, le notaire doit faire preuve de diligence dans la gestion du dossier pour pouvoir le plus rapidement possible savoir si un partage amiable est possible ou si une procédure de partage judiciaire est inévitable.Lorsque les difficultés ne sont pas surmontables et qu’aucun partage amiable ne peut être signé, le notaire doit recenser les difficultés rencontrées et fournir aux parties les documents nécessaires permettant l’assignation en partage judiciaire ; l’article 1360 du Code de procédure civile dispose en effet qu’à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage doit préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

 

 

  1. Quels documents doit-il fournir ? Acte liquidatif complet, projet sommaire, procès-verbal, rapport, voire simple courrier ?

 

 

  1. Si le notaire dispose de l’ensemble des éléments, il peut être en mesure d’établir un acte de liquidation complet mais il risque, ici, de ne pas être rémunéré pour son travail et rien ne lui garantit par ailleurs qu’il sera ensuite commis par le juge du partage même si les avocats utilisent et produisent dans la procédure son état liquidatif, voire demandent son homologation. Un projet sommaire est ici suffisant.

 

 

  1. À défaut de pouvoir établir un projet sommaire de liquidation, le notaire doit recenser les difficultés ; à ce stade, rien n’interdit de dresser un acte authentique dont la qualification reste libre : procès-verbal de difficultés, procès-verbal de vaines démarches, ou procès-verbal de dires des parties ; mais attention là encore au risque de ne pas être couvert des frais.RemarqueFinalement un simple courrier exposant les démarches et le déroulement des opérations précisant les obstacles rencontrés et détaillant la position respective des parties est suffisant. Il n’a certes aucune force judiciaire intrinsèque mais permet de respecter l’obligation prévue par l’article 1360 du Code de procédure civile et d’assigner en partage judiciaire.
  2. – Le notaire commis par le juge

 

 

  1. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 novembre 2012, contraire à la position de l’Administration, laisse la possibilité au juge du divorce de désigner un notaire liquidateur ; le notaire peut donc aujourd’hui être désigné soit par le juge du divorce dès le prononcé du divorce, soit seulement par le juge du partage dans le cadre d’une nouvelle instance en partage judiciaire.

1° Le notaire désigné par le juge du divorce

 

 

  1. La décision du 7 novembre 2012 est parfaitement claire et la position de la Cour de cassation sans ambiguïté. Le juge du divorce peut désigner un notaire liquidateur car l’article 267-1 du Code civil précise qu’il ordonne la liquidation et l’article 1361 alinéa 2 du Code de procédure civile qu’il peut désigner un notaire chargé de dresser l’acte de partage.

 

 

  1. Cette décision a été largement commentée, elle est contestable pour les uns et opportune pour les autres :
  • contestable d’abord car contraire aux textes (C. civ., art. 267-1 nouveau qui supprime toute référence au notaire. – CPC, art. 1361, al. 2 qui fait partie de l’instance en partage laquelle est obligatoire précédée d’une phase amiable). Contestable ensuite car elle fait réapparaître le notaire dès le jugement de divorce et réintroduit les incertitudes sur son rôleNote 14.
  • opportune et même justifiée en droit pour d’autres car conforme à la volonté du législateur de 2004 d’aboutir à une liquidation rapide et apaisée des intérêts patrimoniaux du coupleNote 15. En effet, le notaire doit pouvoir, dès le stade du prononcé du divorce, jouer son rôle : gain précieux de temps car le notaire commis va convoquer les parties sans être dépendant d’une saisine spontanée par les parties ou d’une nouvelle instance génératrice de délai et de frais. Sans attendre, le notaire commis doit entamer les opérations de liquidation dans le but d’aboutir à un partage amiable car le notaire, même investi d’un mandat judiciaire, conserve comme objectif principal celui de concilier les parties et de signer un partage amiable permettant de mettre fin à l’instance judiciaire.

 

 

 

  1. On peut s’interroger sur les pouvoirs du notaire commis par le juge du divorce. La Cour de cassation vise l’article 1361 alinéa 2 du Code de procédure civileNote 16 ; doit-on en conclure que le juge du divorce ne pourrait désigner un notaire que dans le cadre limité de ce texte, le notaire n’ayant alors aucune marge de manœuvre et devant se contenter de dresser l’acte en application stricte d’un jugement qui aurait tranché tous les points du contentieux liquidatif ?

 

 

  1. Une telle analyse limite la portée pratique de la décision du 7 novembre 2012 car les cas où le partage est totalement tranché par le juge du divorce sont rares.On peut envisager que le visa de l’article 1361 alinéa 2 du Code civil dans la décision du 7 novembre 2012 ne prive pas le JAF de désigner un notaire liquidateur et un juge commis chargé de contrôler les opérations dans le cadre du circuit long avec tous les pouvoirs d’un auxiliaire de justice, l’instance en partage se poursuivant automatiquement sans nouvelle assignation et devant le même magistrat. Il paraît en effet évident que depuis l’attribution au JAF, par la loi du 12 mai 2009, d’une compétence générale pour connaître de la totalité du contentieux de la liquidation, la solution la plus simple et la plus rapide serait pour les parties la possibilité, par une seule assignation devant un juge unique, de régler la question du divorce et du partage.La concentration depuis 2009 de la totalité des pouvoirs entre les mains du JAF, celui de prononcer le divorce et celui de trancher les questions liquidatives, aurait dû déboucher sur la réécriture de l’article 267 du Code civil pour qu’il soit expressément prévu le pouvoir pour le juge du divorce de désigner un notaire liquidateur en même temps qu’il ordonne la liquidation du régime matrimonial.

 

 

  1. Une réforme s’impose aujourd’hui pour clarifier les conditions de désignation du notaire dès le prononcé du divorce et consacrer la fusion des deux instances, bref pour permettre au juge du divorce d’être également le juge du partageNote 17.

 

 

  1. Quant à ceux qui regretteront dans une procédure ainsi clarifiée de voir disparaître la phase amiable, le praticien répondra par deux arguments : d’abord l’absence d’accord en cours d’instance démontre, à l’évidence, que la phase amiable a échoué et ensuite que l’intervention d’un notaire commis n’exclut pas le partage amiable, elle le favorise.

 

 

  1. Renforcer les pouvoirs du juge du divorce sur la liquidation des intérêts patrimoniaux est d’ailleurs la volonté actuelle des pouvoirs publics. Un projet de loi a, en effet, été définitivement adopté par l’Assemblée nationale, le 28 janvier 2015Note 18, destiné à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour : « articuler, en cas de divorce, l’intervention du juge aux affaires familiales et la procédure de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux, en renforçant les pouvoirs liquidatifs du juge saisi d’une demande en divorce pour lui permettre, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la liquidation et au partage de leurs intérêts patrimoniaux. »Si la commise par le juge du divorce fait débat, la situation est plus claire pour le juge du partage.

2° Le notaire commis par le juge du partage

 

 

  1. Les articles 267-1, 1476 et 1542 du Code civil ainsi que l’article 1136-2 du Code de procédure civile alignent désormais la procédure de partage judiciaire en cas de divorce sur celle du partage successoral.En l’absence de partage amiable, l’instance en partage s’impose aux époux divorcés ; le plus diligent doit donc assigner l’autre en partage judiciaire.

 

 

  1. À la suite de la réforme opérée par le décret du 23 décembre 2006, le JAF a le choix entre deux options :
  • une procédure allégée dite circuit court(CPC, art. 1361, al. 2): dans cette hypothèse, le juge a tranché l’ensemble des désaccords entre les époux divorcés. Par définition, il s’agit des cas simples et donc peu fréquents en pratique.

Dans ces cas, le juge peut ordonner le partage et désigner un notaire chargé de dresser l’acte constatant le partage conformément aux prescriptions du jugement rendu.

  • une procédure complexe dite circuit long(CPC, art. 1364, al. 1er) : si la complexité des opérations de partage le justifie le tribunal désigne un notaire pour procéder à ces opérations.

 

 

 

  1. La mission du notaire est globale : il doit établir les comptes entre les parties, déterminer la consistance de la masse à partager, calculer les droits des parties, préciser la composition des lots à répartir et préparer l’état liquidatif.Le notaire convoque les parties en respectant le principe du contradictoire.Il établit un procès-verbal d’ouverture des opérations puis un projet d’état liquidatif.En cas d’absence d’accord sur le projet d’état liquidatif, le notaire établit un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties qu’il transmet au juge avec le projet d’état liquidatif, lequel statue.Le juge ordonne soit la vente par adjudication des biens qui ne peuvent pas être partagés (CPC, art. 1377), soit le tirage au sort devant lui ou devant le notaire commis (CPC, art. 1375, al. 2 et 3). Le notaire a donc parfaitement compétence pour organiser dans son étude le tirage au sort : un bulletin par ex-époux, un bulletin par lot, des enveloppes identiques ; le notaire tire au sort et établit un procès-verbal constatant les attributions résultant du tirage au sort.En pratique, il n’est pas rare que le notaire commis judiciairement parvienne à un accord sur la liquidation du régime matrimonial. Dans ce cas il peut parfaitement, sur requête expresse des parties, établir l’acte de partage et en informer le juge commis ; il s’agit là d’un partage amiable qui entraîne extinction de l’instance.

 

 

  1. Peut-on imaginer, pour conclure, le schéma procédural idéal dans la perspective d’une liquidation rapide et efficace du régime matrimonial ?• Il passe d’abord par la nomination d’un notaire en application de l’article 255-10 du Code civil pendant l’instance en divorce pour permettre au juge du divorce de disposer en amont des éléments liquidatifs. Ce texte ne semble pas suffisamment utilisé en pratique aujourd’hui.• Il faut souhaiter ensuite une fusion en une seule instance de la procédure de divorce et de la procédure de partage permettant la concentration entre les mains du JAF de tous les pouvoirs liquidatifs et lui assurant le contrôle de la totalité du dossier.• Il faut également que le juge du divorce puisse désigner un notaire investi des pleins pouvoirs lui permettant dès le prononcé du divorce de convoquer les parties et d’entamer les opérations de liquidation du régime matrimonial.• Enfin, il faut que chaque époux puisse librement faire appel à son notaire conseil habituel, afin qu’il puisse intervenir aux côtés du notaire commis pour l’aider à trouver une solution amiable et à signer un partage mettant fin à l’instance. Il faut noter que la réglementation déontologique notariale favorise d’ores et déjà cette option : en effet, l’intervention de trois notaires, celui de l’article 255-10 (qui a vocation à être celui commis pour le partage dès lors que les parties le souhaitent) et celui de chaque ex-époux, œuvrant conjointement dans la recherche d’une solution amiable, ne génère aucun frais supplémentaire pour les ex-époux ; l’article 5-1 du décret du 8 mars 1978 portant tarif des notaires prévoit que, dans cette hypothèse, les émoluments dus au notaire (art. 255-10) s’imputent sur ceux dus au titre du partage. Quant à l’article 69-1-3 du règlement intercours, il prévoit une répartition entre les notaires participant à l’acte de partage amiable. Voilà la bonne équation : imputation + répartition = absence de surcoût.

 

Note 1 Ndlr : cette contribution reprend l’intervention orale de l’auteur lors du colloque organisé à Lyon par l’Arnu-Lyon et l’Acenode le 20 novembre 2014 sur le thème Les difficultés du partage dans le divorce en présence de biens situés en France ou à l’étranger.

Note 2 M. Nicod, La désignation du notaire liquidateur par le juge du divorce : Solutions Notaire févr. 2013, n° 2.

Note 3 Notamment charte de la Gironde, L. Gébler, Commentaire de la charte de la Gironde du 16 juin 2010 relative à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux : AJF 2010, p. 381. –Charte de Paris :Gaz. Pal. 23-24 nov. 2012, p. 5.

Note 4 Le juge ne peut statuer que sur les points suivants : accorder à l’un des époux une avance sur sa part dans la communauté ou dans l’indivision, statuer sur les demandes de maintien dans l’indivision et d’attribution préférentielle, trancher les désaccords entre les époux lorsque le projet d’état liquidatif dressé sur le fondement de l’article 255-10 du Code civil contient suffisamment d’informations.

Note 5 Cass. 1re civ., 7 nov. 2012, n° 12-17.394 : JurisData n° 2012-024866 ; JCP N 2012, n° 47, act. 1009 ; J. Combret et N. Baillon-Wirtz, Liquidation et partage après divorce : une réforme urgente s’impose : JCP N 2013, n° 8, 1036 ; JCP N 2013, n° 21, 1144, obs. Ch. Lesbats.

Note 6 V. pour un point complet sur la question : Br. Lagarde, Les règles de la commise du notaire dans le partage judiciaire : Cahiers Cridon Lyon 65/2012.

Note 7 Cass. 1re civ., 6 juin 1990 : Bull. civ. 1990, I n° 148.

Note 8 CA Reims, 9 juin 1975 : JCP N 1976, II, 18389 bis.

Note 9 CA Lyon, 17 mai 1895 : J. Not. 1896, art. 25917, p. 165.

Note 10 Traité général du notariat, Livre I, Titre II, formes du partage, 3529, n° 157.

Note 11 J. Charlin, Partage après divorce. Procès-verbal de difficultés. Procès-verbal de carence : JCP N 1994, p. 92, n° 8.

Note 12 Cass. 1re civ., 6 juin 1990, préc. note (6).

Note 13 En pratique le rôle du notaire conseil habituel des ex époux peut être déterminant ; une relation de confiance tissée de longue date permet d’obtenir les concessions nécessaires à un accord amiable évitant les délais et les coûts d’un nouveau contentieux.

Note 14 J. Casey, Liquidation et procédure de divorce : un arrêt étrange qui dérange : Gaz. Pal. 23 juin 2012, p. 7. – S. Ferré-André, Du divorce au partage il n’y avait qu’un pas ou comment la première chambre civile de la Cour de cassation l’a mal franchi : Procédures 2013, étude 6.

Note 15 Cl. Brenner, Le juge qui prononce le divorce a pouvoir pour désigner un notaire liquidateur : D. 2012, p. 2011.

Note 16 CPC, art. 1361, al. 2 : « Lorsque le partage est ordonné, le tribunal peut désigner un notaire chargé de dresser l’acte de partage» ; le notaire désigné sur ce fondement a compétence liée.

Note 17 Il faut peut-être que l’article 267 réécrit permette aux époux qui manifesteraient expressément leur volonté de demeurer dans l’indivision ; dans ce seul cas, le juge pourrait ne pas désigner un notaire liquidateur. – V. également pour une autre option de réécriture de l’article 267 J. Combret et N. Baillon-Wirtz, Liquidation et partage après divorce : une réforme urgente s’impose : Dr. famille 2013, étude 6.

Note 18 Projet de loi AN, n° 1467, art. 3, I, 1° relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. La loi a été publiée au Journal officiel du 17 février 2015 (L. n° 2015-177, 16 févr. 2015. – V. J. Combret et N. Baillon-Wirtz, Qu’apporte la loi du 16 février 2015 au droit des personnes et de la famille ? : JCP N 2015, n° 8-9, act. 288).